Ouvrir la peinture.



Philippe Neau est peintre. Il laisse tomber la peinture.

Il œuvre dans la chute, dans le « laisser tomber », dans le « laisser choir ».
Peindre au sol témoigne d’une condition humaine, renvoie à la réalité de la place de l’homme sur terre, pose un questionnement sur la déchéance de l’art, de la peinture, de l’homme, tout cela dans une ambiance « joyeuse », curieuse, ouverte sur la réalité physique de l’atelier.

Il ouvre la peinture au réel de l’atelier.

Il incorpore le réel de l’atelier dans ses peintures et notamment ses rebuts (chute des matériaux des murs, du plafond, inclusion des objets du peintre, feuilles du jardin, terre, etc.). Il ramasse les déchets de l’atelier. Ce sont des peintures « ramassées ». Il collecte ce qui est dans « le moindre », dans « le peu », dans le « laissé pour compte ». Il profite des « rencontres » avec ce qui est souvent négligé pour créer des « occasions plastiques ».
Il prend en compte la réalité de l’atelier : l’environnement proche de cette matérialité « offerte ».
Il profite des micro-événements de l’atelier. La toile se conçoit comme le réceptacle du microcosme de l’atelier et devient un monde en soi.
Il contracte l’espace de l’atelier dans la peinture. Autant de strates de matière qui disent le temps qui s’écoule, qui se condensent dans ses peintures tel un compost. Il agit dans le recouvrement, mêlant matières et gestes, couches et signes constituant l’essence même de l’acte pictural.

Il ouvre la peinture aux espaces d’exposition.

En migrant vers l’installation picturale, ces oeuvres interagissent avec le lieu d’exposition (le pendant de l’atelier). Après la contraction, c’est la dilatation qui opère, telle une ouverture vers l’espace. La vidéo et le son en découlent.

Il ouvre la peinture à la vidéo et au son.

La caméra devient pinceau et représente le réel par le prisme d’un regard singulier : des strates et des superpositions d’images filmiques telles des couches de peintures traitées numériquement apparaissent. Là aussi, c’est le quotidien qui est le moteur de l’acte artistique. Il tire profit des micro-aventures de la vie (neige, soleil, saisons, bruits de la vie). Le paysage alors bouge et évoque autant la vibration impressionniste qu’une atmosphère fantastique.
Sa production sonore suggère un paysage imaginaire réalisé avec de la musique non narrative, des mélodies atonales, des glitchs inquiétants, des textures métalliques, des field-recordings sourds, des notes abstraites et des collages sonores organiques. Une atmosphère sombre se crée et enveloppe "l'auditeur / regardeur". Ces soundscapes l'emmènent dans un "son-plein" et le plonge dans l'expérience d'un espace sonore intrigant.

Ronan Descottes
2019